Les éditoriaux

Editorial du 23 juin au 30 juin

L’isoloir & la vie privée

Connaissez-vous l’histoire de l’invention de l’isoloir ? 
En gros, ça raconte l’histoire d’une conquête sociale que nous avons oublié tellement elle nous parait évidente aujourd’hui : L’invention de l’isoloir.

Vous pouvez lire la version complète chez Fakir

Et le progrès, c’est, bien sur que notre vote reste secret.

C’est de nous permettre, sans pressions, de faire le choix que l’on veut. Si ce secret n’est pas possible, si votre vote peut être connu de tiers, vous pouvez des pressions. Même si vous n’avez rien à vous reprocher sur le choix que vous avez fait. Quelle que soit la légalité de ce choix …

Ce secret est une condition (nécessaire, pas suffisante) de la démocratie. Cela vaut le coup de le redire : Sans secret, pas de démocratie !

D’une manière tout à fait similaire, les droits de l’homme stipulent que vous avez droit à une vie privée. L’existence de la vie privée est une condition nécessaire (mais pas suffisante) de la liberté.

Article 12 de la déclaration universelle des droits de l’homme
« Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »

Je chante mal.
Terriblement mal.
… pourtant je chante sous la douche.
Quand je sait que je suis seul chez moi.

Si il y a quelqu’un d’autre dans la maison, je ne chante pas.
Par pudeur, par honte, par autocensure ? Je ne suis pas sur du mot qu’il faut mettre ici. Mais ce qu est sur, c’est qu’inconsciemment, je m’interdit de chanter parce que je sait qu’on pourrait m’entendre.

Oui, le simple fait de se savoir – potentiellement – observé modifie notre comportement.

C’est pareil pour une pensée politique.
Si je suis avec des potes, je vais « me lâcher », dire des conneries, bien sur. Mais on vas se taper un délire. Oser des idées folles, stupides, innovantes. On vas parler sans contraintes. Essayer. Former notre pensée critique.

Mais si on se sait observé … on vas se modérer.
On ne vas pas tout oser.
Si, en plus, on sait que ce que l’on dit pourra être retenu contre nous … là on vas carrément arrêter de parler !

Vous dites que vous n’en avez rien à cacher car vous n’avez rien à vous reprocher ?
C’est une erreur.
Même si vous n’avez – au fond de vous-même – rien à vous reprocher, le simple fait que vous n’ayez plus de vie privée permet à des tiers de faire pression, d’une manière ou d’une autre, sur vous (soit en faisant directement pression sur vous ou votre entourage, soit en vous manipulant).

Et même au delà de ça, le simple fait que vous sachiez que vous êtes observé en totalité modifiera votre comportement et vous incitera naturellement à l’auto-censure.
Vous n’êtes alors plus libre.

Le droit à la vie privée est tout aussi crucial à la liberté que le secret du vote l’est à la démocratie.

Les politiciens et entreprises qui œuvrent contre la vie privée œuvrent en réalité contre la liberté (et généralement pour le maintien ou l’augmentation de leurs pouvoirs et privilèges).
« Lorsque vous dites ’le droit à la vie privée ne me préoccupe pas, parce que je n’ai rien à cacher’, cela ne fait aucune différence avec le fait de dire ’Je me moque du droit à la liberté d’expression parce que je n’ai rien à dire’, ou ’de la liberté de la presse parce que je n’ai rien à écrire’. » : Edward Snowden

H.L