A chaque jour suffit sa peine me rappelait quotidiennement ma grand-mère. Ce genre d’expression a pratiquement disparu du discours contemporain, même si les raisons d’y recourir subsistent et s’inscrivent dans un brouillage sémantique où s’incruste de plus en plus un sabir anglais véhiculé par la publicité. A cela s’ajoute une sorte de compétition entre les médias et la recherche permanente du buzz qui finit même par banaliser l’actualité la plus ignoble, sorte de priapisme médiatique où le sang se mêle au sexe, le vrai au faux, le laid au beau sans une véritable hiérarchisation des événements qui ont retenu l’attention gourmande des rédactions et des annonceurs. Mais il ne fait aucun doute que le sexe reste le meilleur sujet pour titiller le lectorat , même si perdurent des ilots de naîveté , de fraîcheur , même, comme en témoignent les évêques réunis en assemblée plénière où fut abordé le problème de la pédophilie dans l’église catholique.
On est surpris, je l’avoue, de rencontrer un tel ilot de naïveté s’agissant d’un sujet où l’ignoble côtoie le tragique. Il est vrai que « jusqu’il y a quelques années, l’impact des abus sexuels commis par un adulte contre une personne mineure n’était pas vraiment compris ». Et il faut se mettre à la place des évêques, ce sont généralement des hommes murs, le temps des branlettes adolescentes dans les dortoirs des séminaires ou des pensions bourgeoises est bien éloigné. Heureusement il y a les victimes de ces divers attouchements cléricaux : « grâce à la rencontre de personnes victimes, les évêques ont pris conscience que l’enfant ou le jeune adulte ainsi atteint avait subi un traumatisme qu’il ne pouvait surmonter qu’aux prix de grandes souffrances » Disons-le tout net : rien ne vaut l’expérience du terrain, le contact avec le terrain : « in solo veritas ».
Comment se faire pardonner , quelle indulgence pour retrouver la paix intérieure ? Un groupe de travail a mis en place un dispositif de reconnaissance des causes de la souffrance. Ce dispositif a été adopté par les évêques. Il prévoit notamment de verser une somme d’argent -à définir- aux victimes identifiées. La ressource financière ad hoc étant à rechercher sachant que l’église est pauvre, comme en témoigne le niveau de vie de la Curie. Je n’insisterai pas sur l’analité de cette démarche qui témoigne du profond désarroi du corps épiscopal et de l’institution dans son ensemble. Encore faudra-t-il que la victime accepte cette somme d’argent unique et forfaitaire dont il est dit qu’elle n’est pas une indemnisation. S’agissant du financement une piste est évoquée qui envisage la possibilité de faire appel aux dons des fidèles sachant, bien sûr, que les pauvres n’ont pas beaucoup d’argent,c’est bien connu, mais qu’ils sont nombreux. L’argent comme viatique pour se faire pardonner hic et nunc . D’autre part, il faut remarquer que cette proposition est tout-à-fait post-moderne et qu’elle s’inscrit de façon claire et explicite dans la ligne néo-libérale en même temps qu’elle permet aux instances dirigeantes de faire financer les indulgences pour les bourreaux.
J’ai conscience, en rédigeant cet édito, de sa coloration clairement anti-cléricale. J ’assume. Mais, franchement, comment ne pas se sentir agressé soi-même par tant de faucuterie . Et à ceux qui s’indigneraient de mon insolence et de mon irrespect vis à vis d’hommes investis d’une mission divine, je me réfugierai derrière l’expertise d’un grand chrétien : « La moquerie est quelque fois plus propre à fire revenir les hommes de leurs égarements et qu’elle est alors dans une action de justice » signé… Blaise Pascal.
Bonjour chez vous,
MA
2 frimaire 228