
Dans son récit autobiographique « Le 1er homme », Albert Camus évoque les paroles de son père, quand il évoque avec stupeur que la sentinelle du camp militaire de l’armée française où il se trouve, vient d’être égorgé, le sexe posé dans la bouche : « un homme, ça s’empêche » crie-t-il avec colère.
Cette parole lapidaire mais qui appelle à la réflexion est loin de la pensée de celles et ceux qui transgressent le tabou de l’inceste. Il arrive que des parents, grands-parents, frères, sœurs, oncles, tantes, imposent des situations incestueuses à leurs descendants ou collatéraux. Ainsi des jeux sexuels, des scènes d’érotisation, des attouchements, des viols, sont autant de situations de malaise, d’angoisse, de désordre pour les victimes, le plus souvent mineur.e.s qui découvrent peu à peu l’interdit de l’acte et se culpabilisent de n’avoir pas su l’éviter.
Tous les témoignages des victimes s’accordent à dire que l’inceste est une violence qui trouble durablement leur identité. Il n’en est pas de même pour les agresseurs, qui, protégés par le secret familial, ce silence et cette surdité qui entourent l’inceste, agissent en toute impunité.
Aujourd’hui encore, alors qu’un voile a été levé sur cette question grâce à des situations d’inceste et de pédophilie très médiatisées, celui ou celle qui dénonce, ou qui porte plainte, se heurte à des résistances à tous les niveaux de la société. Son témoignage qui survient souvent bien des années après que l’acte ait cessé suscite de la méfiance car il déstabilise l’ordre social établi et l’image de la famille.
Il n’existe pas de statistique nationale sur l’inceste. De surcroît, comme il n’est pas nommé dans le code pénal, il est impossible de connaitre le nombre de condamnations.
En France, d’après les chiffres du ministère de la santé, 1 fille sur 8 et 1 garçon sur 10 ont subi des violences sexuelles avant 18 ans, l’âge médian se situe entre 8 et 12 ans, et dans 80% des cas, les violeurs sont des proches.
-Quelles sont les conséquences psychiques et sociales des actes incestueux pour les victimes, comment peuvent-elles surmonter le traumatisme ?
-Comment apparait la réprobation de l’inceste dans le droit civil et pénal français ?
-Qu’en est-il de la protection du mineur en matière d’infraction sexuelle?
-Quelle place la société accorde t-elle aux actes incestueux ?
C’est à propos du combat mené par Eva Thomas pour sortir l’inceste du silence que ces questions vont être évoquées.
Les invité.e.s :
Eva Thomas :
Institutrice, puis Educatrice en psycho-pédagogie, fondatrice de l’association SOS inceste, autrice « Le viol du silence » en 1986 , Edition Aubier, réédité en 1989 – livre de poche, « Le sang des mots » – édition Mentha en 1992, réédité en 2004 – édition Desclée de Brower.
Hélène Marce :
Avocate, spécialiste dans le droit de la famille et la victimologie
Benoit Olivier :
Comédien, Metteur en scène, auteur d’une mise en récit des écrits de Eva Thomas