Drôle de printemps que ce printemps-ci. Va pour les giboulées- de mars bien entendu-, va pour les forsytias en fleur, pour ce drôle de frémissement au creux des reins, pour les jeunes filles en fleur- et les garçons itou- va pour cet appétit soudain de renaissance , d’air vif et de tissus légers. Et pourtant quelque chose d’indéfinissable semble s’être installé, quelque chose d’insidieux et de fort à la fois, comme une odeur délétère de moisi, comme si ça et là la lumière changeait, comme si les couleurs printanières viraient au brun, au nord comme au sud, comme une bouffée sombre de désespoir ou la haine affleure.
Drôle de printemps que ce printemps-ci où le commentaire envahit tout l’espace de sa redondance, ou bourgeonnent les fameux éléments de langage mitonnés par les communicants tout au fond des officines spécialisées. Ainsi de cette porosité dont on nous rebat les oreilles. Mots à la mode, mode des mots comme rideau de fumée pour travestir le réel et en affaiblir l’impact. Ainsi quand on nous serine que la frontière est de plus en plus poreuse entre l’UMP et le FN, on évite par ce tour rhétorique, d’affronter la réalité : près de 60% des sympathisants UMP sont favorables à une alliance entre les deux partis. Ce n’est plus de la porosité, ni même de la perméabilité, mais bien le début d’une idylle. A quand l’étreinte ?
Drôle de printemps que ce printemps-ci, où toute la gauche, empêtrée dans ses contradictions, vacille sous l’enfumage des donneurs de leçon tout juste sortis de la piscine d’un riche homme d’affaires libanais et des lambris dorés où la finance s’expose. Triste paysage printanier où les citoyens renoncent à leur citoyenneté en désertant les urnes, où, sur les grands média, l’information est confisquée par une dizaine de journalistes accompagnés d’autant d’experts auto- proclamés et tous chantres de l’idéologie libérale, où la course à l’audience justifie la mise en scène de tout ce qui peut être dramatisé, en s’affranchissant souvent de la pertinence et de la vérité.
Drôle de printemps que ce printemps-ci. Heureusement, Boutin soit louée, il y a François. Le Romain, pas l’autre. Un peu de fraîcheur, un peu de divine rosée dans cet univers impitoyable, où même un mécréant comme moi risquait de succomber à l’appel irrésistible de la transcendance si n’était apparue une créature printanière au charme mutin, mes copines me pardonnent cet accès soudain de machisme réac. Comment vouliez-vous que j’y résistasse ? Mais il s’en est fallu de peu, je le confesse bien volontiers.
Drôle de printemps que ce printemps-ci où je cède à ce que d’aucuns considèreront comme une facilité : je veux parler de cette foutue anaphore illustrée naguère par qui vous savez et avec le succès qu’on connaît. C’est dire l’état où la conjoncture me confine. Mais le pire n’est jamais sûr et je ne doute pas de lendemains qui chanteront, à condition que l’on se bouge le fondement. Et, pour commencer, allons voter ! VOTER !
MA