editorial du 21 au 28 avril

vendredi 21 avril 2017 par Radio-Grésivaudan

Certains rêvent notre monde et en maîtrisent quelques règles inscrites profondément dans nos consciences. Notre relation au travail, à la nature, notre manière d’être aux autres, notre sentiment de dignité en tant qu’êtres, ne sont-ce pas des relations inscrites dans une forme de culture sociétale, liées intimement au système économique dont nous faisons parti ?
Mais il semble par exemple que les sondages sont un outil-miroir qui font exister une réalité au départ tronquée… Tout comme les outils de la spéculation financière et de l’esclavage au capital, auxquels il s’agit peut-être de ne plus croire pour s’en débarrasser…
Ne plus leur donner de reflet…
Notre responsabilité ne réside t-elle pas dans le fait de continuer de rêver un monde dont nous serions les acteurs conscient et libres pour en établir de nouvelles règles du jeu ?
Ce grand « jeu de société » dont nous sommes les protagonistes m’évoque cette allégorie amérindienne du rêve de la Baleine, qui résume bien des mécanismes :

Au début le Grand Esprit dormait dans le rien. Son sommeil durait depuis l’éternité. Et puis soudain, nul ne sait pourquoi, dans la nuit, il fit un rêve. En lui gonfla un immense désir… Et il rêva la lumière. Ce fut le premier rêve, la toute première route. Longtemps, la lumière chercha son accomplissement, son extase. Quand finalement elle trouva, elle vit que c’était la transparence. Et la transparence régna. Mais voilà qu’à son tour, ayant exploré tous les jeux de couleurs qu’elle pouvait imaginer, la transparence s’emplit du désir d’autre chose. A son tour elle fit un rêve.
Elle qui était si légère, elle rêva d’être lourde. Alors apparut le caillou. Et ce fut le deuxième rêve, la deuxième route. Longtemps le caillou chercha son extase, son accomplissement. Quand finalement il trouva, il vit que c’était le cristal. Et le cristal régna. Mais à son tour, ayant exploré tous les jeux lumineux de ses aiguilles de verre, le cristal s’emplit du désir d’autre chose qui le dépasserait. A son tour il se mit à rêver.
Lui qui était si solennel, si droit, si dur, il rêva de tendresse, de souplesse et de fragilité. Alors apparut la fleur. Et ce fut le troisième rêve, la troisième route. Longtemps, la fleur, ce sexe de parfum, chercha son accomplissement, son extase. Quand enfin elle trouva, elle vit que c’était l’arbre. Et l’arbre régna sur le monde. Mais vous connaissez les arbres, on ne trouve pas plus rêveurs qu’eux (ne vous amusez pas à pénétrer dans une forêt qui fait un cauchemar). L’arbre, à son tour, fit un rêve.
Lui qui était si ancré à la terre, il rêva de la parcourir librement, follement, de vagabonder au travers d’elle. Alors apparut le ver de terre. Et ce fut le quatrième rêve, la quatrième route. Longtemps, le ver de terre chercha son accomplissement, son extase. Dans sa quête, il prit tour à tour la forme du porc-épic, de l’aigle, du puma, du serpent à sonnette. Longtemps il tâtonna.
Et puis un beau jour, dans une immense éclaboussure, au beau milieu de l’océan, un être très étrange surgit, en qui toutes les bêtes de la terre trouvèrent leur accomplissement. Et ils virent que c’était la baleine. Longtemps cette montagne de musique régna sur le monde. Et tout aurait peut-être dû en rester là, car c’était très beau. Seulement voilà… Après avoir chanté pendant des lunes et des lunes, la baleine, à son tour, ne pût s’empêcher de s’emplir d’un désir fou.
Elle qui vivait fondue dans le monde, elle rêva de s’en détacher. Alors, brusquement nous sommes apparus, nous les hommes. Car nous sommes le cinquième rêve, la cinquième route, en marche vers le cinquième accomplissement, la cinquième extase.
Et ici je vous dis : Faites très attention ! Car voyez-vous :
Dans la moindre couleur, toute la lumière est enfouie.
Dans tout caillou du bord du chemin, il y a un cristal qui dort.
Dans le plus petit brin d’herbe, sommeille un baobab.
Et dans tout ver de terre, se cache une baleine.
Quant à nous, nous ne sommes pas " le plus bel animal ", nous sommes le rêve de l’animal !
Et ce rêve est encore inaccompli.
Que se passerait-il si nous éliminions la dernière des baleines qui sont en train de nous rêver ?

E.G


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