editorial du 10 au 17 janvier

vendredi 10 janvier 2014 par Radio-Grésivaudan

Transparents. Invisibles. Silencieux.
Ainsi nous, gens du peuple, dans une lente métamorphose sociale, serions passés de l’état de citoyen à quelque chose d’inexistant. Et le seul moyen de faire entendre notre parole serait donc de basculer, attirés par l’extrémisme, dans le rejet brutal des autres.
Vous direz, lisant les initiales au bas du texte qui commence : celui-ci, à part quelques textes humoristico-politiques bien ou mal sentis, la participation des humains à la vie sociale, la montée du FN c’est son dada, le voilà donc reparti pour un nouveau couplet.

Peut-être est-ce l’approche des élections municipales ? Mon regard de vautour-traqueur d’écrits sur la chose ? Mais on en cause depuis plusieurs années et je n’invente rien. Ce début d’année commence fort à ce propos, dans le Monde diplomatique du mois(1), dans le Télérama de la semaine(2)…et même mes amis s’en mêlent puisque on m’offre un livre là-dessus (3) . 

En réalité, nous ne sommes ni silencieux, ni transparents, ni invisibles. Nous pensons, nous grognons, nous inventons, nous nous taisons, nous nous décourageons, nous refaisons le monde un verre à la main, NOUS EXISTONS.
A nous de passer de l’état de spectateurs à acteurs. Dans une merveilleuse envolée, la grande Ariane Mnouchkine, dans ses vœux(4), pose le cadre de ce chantier qu’elle qualifie de pharaonique.
Car les obstacles sont multiples et diffus.
-Prendre part à la vie publique, donner une opinion circonstanciée n’est pas facile pour tous. Des écrits permettent d’élaborer une réflexion approfondie. Mais ils ne sont pas forcément accessibles, et s’exprimer en s’appuyant sur ces écrits est un exercice qui demande de l’entrainement et auquel l’école ne nous a pas formés. Sur ce terrain, seule une partie de la population a tiré son épingle du jeu et monopolise (involontairement ou pas) les débats.
- La mise en résonnance de notre parole « privée » dans un contexte collectif reste limitée.
Aujourd’hui, lorsque j’écris ce texte, je ne représente que ma personne, ma parole est individuelle. La chance qui m’est offerte par Radio Grésivaudan est de la faire entendre. Je peux donc l’exprimer et cela compte. En cela, cette Radio joue son rôle de caisse de résonnance de la parole individuelle. Et même si le nombre de lecteurs de ce texte ou d’auditeurs d’une émission tient sur les doigts de la main, ce seront des doigts de la main qui, intérieurement, réagiront positivement ou négativement.
-Se faire entendre ne veut pas dire être entendu. Dans une conversation « idéologique », ou un débat public, l’échange tourne vite à l’affrontement, où apparait un dominant, qui sait lui, qui a déjà des responsabilités et qui démontre au balbutiant que ses arguments humains ne tiendront pas au regard des réalités.
Dans une structure municipale de plus en plus complexe et technique, les décisions se prennent à la hâte. Elles anticipent toute réaction citoyenne et appuient leur construction sur des consultations à postériori ou l’individu ne peut donner qu’un avis sans saveur ni poids. Il n’y a dans ce cadre aucun engagement actif, aucune participation réelle. Les enjeux politiques étouffent toute volonté de démocratie réelle. Le citoyen est remis à sa place d’administré.

Redonner corps et parole aux humains demandera du travail et une certaine humilité. Les élus devront descendre des estrades, les intellectuels déshabiller leur langage. Cela nécessitera de construire des projets accessibles et de petite envergure et de redonner du temps à l’élaboration concertée au niveau du quartier.
Accepter de prendre en compte les positions divergentes pour construire un projet commun.
Rendre accessible l’information par des séances de lecture commentée. Créer des conseils de développement communaux, véritable guide des projets à venir. Rendre public le débat en créant des blogs et forums locaux. On ne pourra redonner de la force à la démocratie locale sans un réel effort d’éducation populaire.
Car il y a là un véritable apprentissage à faire pour tous. Apprendre à partager son savoir. Apprendre à écouter vraiment. Apprendre à s’investir personnellement.
ET si 2014 était l’année où le mot pouvoir commençait à céder la place au mot « responsabilité ».

JM.F

(1)http://www.telerama.fr/idees/rosanvallon-il-est-temps-de-repenser-la-participation-au-bien-etre-collectif,72920.php

(2)http://www.monde-diplomatique.fr/2014/01/DESAGE/49988

(3)Nos rêves ne tiennent pas dans les urnes (éloge de la démocratie participative) Paul Ariès chez Max Milo

(4) http://www.mediapart.fr/journal/france/311213/les-voeux-d-epopee-d-ariane-mnouchkine?page_article=2


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