Les éditoriaux

Que dire ? Faut-il dire même ?

Je sais bien que le travail, le devoir même, d’un chroniqueur, c’est de raconter, dans l’ordre chronologique, les événements de son temps. Mais il y a des moments où le désir, l’appétit, manquent, tant l’offre est brouillonne, où verbe et images saturent le présent, où analyses et jugements finissent, par leur abondance, à banaliser l’horreur et à brouiller l’entendement.


Ainsi de ce moment présent où la guerre et les résultats des élections envahissent l’espace médiatique . La guerre d’abord. A force d’images et de commentaires par des intervenants, réputés spécialistes, le tout présenté entre une pub pour un produit contre la constipation occasionnelle et la réclame pour une pâte à tartiner, le pire n’a plus que le poids et la valeur d’un spot comme les autres. Même si, pour les plus âgés d’entre nous resurgissent les images de notre enfance quand nos parents nous conduisaient affolés dans les caves où nous tremblions à chaque explosion des bombes larguées par les « forteresses volantes », quand des tanks traversaient nos jardins, escortés de soldats noircis par les bombes et les épreuves. Ce n’était pas du cinéma, et la crème glacée n’était pas au menu.


Quand même, les élections…Les dernières ? Bientôt une pratique obsolète surtout honorée par les vieux, à condition que la météo soit favorable et la digestion pas trop encombrée. Et j’ai eu l’impression d’être déjà un personnage obsolète quand je me suis retrouvé dans la salle où huit cabines attendaient la visite d’improbables électeurs.Une vieille dame, pourtant, est sortie de la cabine du fond. Elle m’a souri. La satisfaction du devoir accompli, sûrement, mais aussi comme une connivence entre vieux attardés surpris de cette rencontre.


Je ne me sens pas le courage de commenter les résultats de cette journée n’ayant ni expertise ni goût pour cet exercice , même si le citoyen bouge encore. Pourtant j’ai le sentiment que le pire est à nos portes, et que l’affichage propret mis en avant par un mouvement où sommeillent d’anciens responsables néo-fascistes, doit inviter chacun d’entre nous à la vigilance républicaine, même si cette formulation conserve un parfum rad-soc.


Pour clore ce chapitre, je vous propose de méditer sur cette remarque de Balzac : « Pour l’homme le passé ressemble singulièrement à l’avenir. Lui raconter ce qu’il fut, n’est-ce pas presque toujours lui dire ce qu’il sera » On est prévenu.


Plus troublant cette rencontre fortuite avec mon ami Marcel, qui est loin d’être … Il était assis sur un transat de mon jardin, une salière posée devant lui, sur ses genoux « Dis-moi, pourquoi parle-t-on de sel fin et de gros sel ? Pourquoi pas parler de fin sel et de sel gros ? Qu’est ce qui gouverne la place de l’épithète ? » Il est comme ça Marcel et parfois je me demande ce qui se passerait si le pire se présentait à sa porte. Un tel détachement … , Mais qui suis-je pour juger ainsi mon ami ?


Je préfère oublier les salières et garder l’espoir d’une paix rapide en Ukraine -que puis-je faire ?-et des avancées significatives pour la France qui souffre- que puis-je faire ?- la culture retrouvant une place de choix.. J’ arrête là… Je vais finir par pondre un tract. C’est l’été, le temps de l’oubli ? L’histoire nous rattrape toujours.
Portez-vous bien
……et trois haiku pour la route
MA

2 Messidor CCXXX

L’ombre d’un abbé
le gravier parmi les tombes
le glas des grillons

Pénombre maligne
des souvenirs fantassins
cadavres de juin

Défroques obscènes
des cadavres effrangés
rapaces repus

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