vendredi 13 novembre 2009 par Radio-Grésivaudan
Jan Karski de Yannick Haenel aux édition Gallimard
Varsovie, 1942. La Pologne est dévastée par les nazis et les soviétiques. Jan Karski est un messager de la Résistance polonaise auprès du gouvernement en exil à Londres. Il rencontre deux hommes qui le font entrer clandestinement dans le ghetto, afin qu’il dise aux Alliés ce qu’il a vu, et qu’il prévienne que les juifs d’Europe sont en train d’être exterminés. Jan Karski traverse l’Europe en guerre, alerte les Anglais, et rencontre le président Roosevelt en Amérique. Trente-cinq ans plus tard, il raconte sa mission de l’époque dans ’Shoah’, le grand film de Claude Lanzmann. Ce livre, avec les moyens du documentaire, puis de la fiction, raconte la vie de cet aventurier qui fut aussi un Juste.
Jan Karski : " Je n’étais pas préparé à ce que j’ai vu, personne n’avait écrit sur une pareille réalité, je n’avais vu aucune pièce, aucun film…, je savais que des gens mouraient, mais ce n’était pour moi, que des statistiques. Ce n’était pas l’humanité, on me disait qu’ils étaient des êtres humains, mais ils ne ressemblaient pas à des être humains, ce n’était pas le monde, je n’appartenais pas à cela. C’était une sorte d’enfer, les rues étaient sales, crasseuses, et pleines de gens squelettiques, la puanteur vous suffoquait, il régnait de la tension, de la folie dans ce lieu. Des mères allaitaient leurs bébés dans la rue, alors qu’elles n’avaient pas de seins. Les dépouilles étaient déposées, nues, à même le sol, car les familles n’avaient pas les moyens pour leur payer une sépulture, chaque haillon comptait dans ce lieu, tout s’échangeait, tout se vendait pour survivre, et de ce fait, les dépouilles étaient laissées sur le trottoir, en attendant d’être ramassées par un service spécial. Et, marchant à côté du responsable du Bund, qui avait changé d’allure dans sa façon de se mouvoir, le dos courbé, pour se fondre dans la masse et ne pas se faire remarquer, il m’arrivait de lui demander ce qu’il arrivait à tel ou tel juif, debout, immobile, les yeux hagards, il me répondait toujours, ils se meurent, souvenez-vous, ils se meurent, dites-leur là bas…
Yannick Haenel : Professeur de français, Yannick Haenel coanime la revue de recherche littéraire Ligne de risque depuis 1997. Il publie plusieurs romans comme ’Introduction à la mort française’ (2001), ’Evoluer parmi les avalanches’ (2003) et ’Cercle’ (2007). Lauréat du prix Décembre en 2007, du prix Roger Nimier en 2008 et du prix du roman FNAC en 2009, Yannick Haenel est un auteur exigeant, très attendu à chaque rentrée littéraire.