Les éditoriaux

Editorial du 7 juillet au 18 septembre

OFF. J’enfoncerai cet été quelques portes ouvertes en vous annonçant que dès les vacances arrivées j’éteindrai mon téléphone mobile et me débrancherai du réseau. Et je ne parle pas des réseaux, car j’ai jusqu’ici résisté aux sirènes de ceux que l’on dit « sociaux », ce qui est déjà en soi un gage de paix et de tranquillité, même si mon bannissement déjà, est en discussion au sein des foules communicantes.
La révolution numérique est en marche, a permis et permettra bientôt des avancées scientifiques considérables, et participe, sans aucun doute d’un accroissement des connaissances, pour ceux que ça intéresse, du pouvoir de communiquer ou de nuire, selon l’usage qu’on en fait, et de la création d’un ectoplasme virtuel flattant nos ego narcissiques, pour les autres.
Toutefois, la gestion de la toile mondiale après avoir été le jouet du système militaire est devenue avant tout l’apanage des marchands. Et là, loin du progrès escompté, c’est à une véritable régression pavlovienne que nous assistons, car c’est en excitant nos pulsions et les angoisses qui en découlent que le marketing déclenche nos actes réflexes et anxiolytiques de consommation. Nos rues et nos gares sont désormais envahies d’écrans auxquels nos écrans portatifs peuvent se connecter et qui bientôt nous interpellerons nominativement à tous bouts de champ pour nous faire des propositions en or, voire que nous ne pourrons pas refuser. Gare de Lyon, par exemple rien qu’au départ des quais TGV repérés par des lettres (voies A à N), on peut compter pas moins de 27 écrans de dimensions A0, soit environ plus 25 m2 de pub animée et connectée, de ressources arrachées à la planète et d’énergie gaspillée.
Autre exemple, mais vous savez qu’ils sont légion, les artefacts d’ iphones que l’ont trouve par dizaines dans les fast-foods et qui permettent par simple pression du doigt de commander sa pitoyable pitance, et d’ainsi éviter toute interaction gênante avec un individu de race humaine ou en remplaçant l’alphabet par l’icône, de faire usage de sa capacité d’abstraction.
La propagande ainsi distillée dans les espaces de transit et de loisirs optimise la force de vente, tandis qu’au travail les mêmes outils technologiques décuplent notre productivité. C’est à dire la vitesse à laquelle nous produisons de la valeur, mais comme vous le savez, cette valeur est captée de plus en plus par le haut de la pyramide, et il ne nous reste plus que nos yeux fatigués (par les écrans) pour pleurer. De surcroît (oui j’aime les termes désuets), l’important est de produire, et de communiquer, ou faire et faire savoir, ce n’est ni ce qu’on fait, ni comment on le fait (savoir-faire). Un seul exemple ici : on va te féliciter pour la qualité de ton Power Point® pas pour la réalisation ce qu’il décrit. Résultat : on produit de la merde, ou du vent, c’est selon. Peu importe, si ça se vend.
Enfin, loin de nous relier, notre smart-addiction (smart=intelligent (ouarf !)) nous isole, et surtout participe du gigantesque brouhaha ambiant, du bruit et de la fureur qu’est devenu notre monde. Cette agitation permanente, elle, nous isole de nous-même et c’est là le plus dramatique, interdisant, toute introspection, toute méditation, et toute réflexion sur ce que nos actes impliquent, et sur ce que notre moi profond désire vraiment.
Ainsi nous sommes devenus des esclaves consentants, victimes du syndrome de Stockolm, abandonnant toute conscience à la science. Et trippant tout affolés dès qu’un stage de yoga se présente, impatients de poster notre bonheur sur les réseaux.

Moi, cet été, j’appuie sur « OFF » et vous ?

S.R

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