Les éditoriaux

Editorial du 14 au 21 fevrier

Aurais-je l’envie de renoncer à éditorialiser qu’aussitôt un petit démon intérieur me conjure de ne pas céder à cette lâche décision. Crainte de manquer de sujet, crainte de me fâcher avec des lecteurs, avec des amis- ce sont souvent les mêmes- craintes tout simplement de me répéter tant l’actualité souvent bégaie, allez savoir ? Et, finalement je cède à ce qu’il faut bien appeler mes obsessions , au brouhaha sociétal, au feuilleton politique où émergent le plus souvent quelques têtes de turc, et à tout ce qui m’énerve ou m’enthousiasme.


Et, parfois, comme un miracle se produit quand deux univers se rencontrent . La rareté de l’événement solliciterait le moins motivé, surtout quand ces deux univers sont aussi éloignés que le sont ceux de la carpe et du lapin. Ces conjonctions remarquables n’arrivent qu’une fois. Et encore, ajoute mon ami Marcel, qui est loin d’être….et dont le scepticisme est légendaire. Il est vrai que, bien qu’amis de longue date, nous ne partageons guère les mêmes obsessions, les mêmes passions. Nous nous rejoignons cependant, avec des nuances, sur ce qui est essentiel à ses yeux : les vins, le fromage, la littérature et les femmes.


Ce qui nous sépare, peut-être, c’est mon penchant pour le cinéma- qu’il juge excessif-mon goût pour l’obscurité et le velours des sièges, pour le silence fébrile qui s’installe quand le générique du film éblouit l’écran. Cela remonte au temps des premiers ciné-clubs où nous découvrions le cinéma d’auteur, quand Godard enflammait les passions, Godard défendu contre vents et marées par mon ami Dédé, flanqué d’un moine cinéphile. Cinéma total, cinéma du samedi soir ou séance d’après-midi du cinéma permanent du quartier, tout convenait pour assouvir notre addiction et, pour ce qui me concerne personnellement, pour nourrir cet appétit pour les westerns où je peux silencieusement m’identifier avec les indiens.


Alors, vous pensez, quand j’apprends qu’un nouveau western vient de voir le jour, qu’il aborde un sujet jusqu’à ce jour non traité par cette rhétorique formelle, et qui ose ce que l’on n’a jamais osé, mon sang ne fait qu’un tour : « Règlement de compte à OK Vatican » !


Une pure merveille, avec ce côté réaliste bien dominé par les protagonistes Et ça défouraille ! Les bulles partent de partout. Benoît, qui assure le rôle du méchant est irrésistible, sombre et sec comme une encyclique d’inquisiteur, face à un François au cœur à la fois chaud et généreux, ardent défenseur du couple et de la PCE*. Il faut avoir partagé l’ émotion des spectateurs – ah, cette scène où François dégaine son doigt d’honneur !- pour comprendre qu’on assiste là à la naissance d’un nouveau cinéma, d’un nouveau western où deux rhétoriques se confrontent : la germanique de XVI, fut-il benoît, face à l’argentine de François. Deux cultures, schnaps versus maté, deux sensibilités, qui s’affrontent dans le désert glacé des mécréants ricaneurs.
Les puristes regretteront peut-être l’absence d’indiens, mais la mise en scène en eut été affaiblie : n’oublions qu’il s’agit d’un nouveau genre, ou plutôt d’un genre revisité – ce qui est tout-à-fait post-moderne – et qu’il faut accepter le risque qui accompagne toute nouveauté. Il faut admettre par ailleurs que la démarche spirituelle suppose un effort et que la présence, par exemple de Sitting-Bull ; n’aurait rien ajouté au propos, même rebaptisé Sitting-Bulle.
J’en resterai là pour aujourd’hui,


MA
*PCE : Procréation par Couples Ecclésiastiques

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