vendredi 9 octobre 2009 par Radio-Grésivaudan
Démon de Thierry Hesse chez les éditions L’Olivier
Thierry Hesse vit à Metz. Il a publié deux romans aux éditions Champ Vallon, Le Cimetière américain, en 2003 (prix Robert-Walser), et Jura, en 2005. Démon est son 3em livre.
Pierre Rotko est grand reporter. Lorsque son père lui confie, après des années de silence, l’histoire de sa famille, il éprouve comme un sentiment de défaite. Cette histoire, c’est d’abord celle de ses grands-parents, Franz et Elena, des juifs russes assassinés par les nazis à Stavropol lors de l’invasion de l’Union soviétique. C’est aussi celle de l’exil de son père, en France, en 1953. Désormais, Pierre sait qu’une page de sa vie, la page du silence et du déni, s’est définitivement tournée. Il quitte travail et amie pour entreprendre des recherches, compulser des dizaines d’ouvrages, noircir des carnets. Pour qu’enfin son histoire lui appartienne. C’est dans cette fièvre que son ’démon’ se manifeste, comme une voix qui lui parlerait, la voix muette de Franz et Elena. Pierre veut faire lui-même l’expérience des abandonnés de l’histoire. Et c’est à Grozny plutôt qu’à Stavropol que Pierre décide de se rendre. Grozny, ville en guerre dans une Tchétchénie écrasée une fois de plus sous la botte russe, et qui se révèle tragiquement parfaite pour vivre l’expérience de la désolation.
Démon se sont trois fils qui s’entremêle pour donner un roman terible et beau à la fois. Le fil des personnages, qui permettent de suivre l’Histoire des destruction, des génocides, du totalitarisme russe, un documentaire vivant et émouvant. Le fil des sentiments, ceux de la relation d’un père et d’un, des sentiments cachés qui se révèle, les sentiments d’appartenance à une famille, à une culture, à un peuple ou à une tradition et parfois aussi les sentiments amoureux. Le fil des questions générées par ce 20es siècle et ses atrocités : sur le mal, nos démons, nos parts d’hombre, notre capacité ou nou à partager notre terre....
Démon est placé sous l’égide imposante de Tolstoï, cité en épigraphe, c’est le pari ambitieux de la fresque historique sur l’holocauste, les purges staliniennes, les massacres, tout ce qui fait l’indicible barbarie du XXe siècle. Mais démon c’est surtout rendre une mémoire aux oubliés de l’histoire et de l’actualité, qu’ils soient juifs ou tchétchènes.