Les éditoriaux

C’est le moment d’aller boire une sangria

Il y a des circonstances où l’embarras s’installe chez celui dont c’est le tour de s’exprimer. Ainsi du chroniqueur confronter au désir de ne pas céder à ce qu’il considère comme superficiel en même temps qu’il est dans la quasi obligation de rester dans le champ, de l’actualité.
Ce dilemme est à l’ origine d’un vrai trouble, d’une angoisse quasi ontologique si bien décrite par Pierre Dac : « Je pense souvent, non sans vertige, à la quantité de bœuf et de légumes qu’il faudrait pour faire un pot-au-feu avec l’eau du lac Léman ».
Je ne souhaite à personne de connaître cette situation où le moi flageole et s’exténue, ce qui, je vous l’accorde, est une image aussi audacieuse que peu lisible. Cela étant, tant pis, j’ose : Je ne vous parlerai pas du retour de Karim Benzéma en équipe de France, dans l’incapacité où je me trouve de réagir, de m’émouvoir, s’agissant de l’univers du ballon au pied. Voilà, c’est fait. Me sera-t-il pardonné ?


Par contre, je voudrais réagir, non sans hargne je l’avoue, à un phénomène, à une sorte de technique suremployée par les communicants et leurs institutions : le micro-trottoir ou, dans sa version post-moderne, ce qui est plus chic, la télé-trottoir. Cette technique (?) , autrefois, c’est-à-dire avant l’irruption du COVID, était utilisée sur toutes les chaînes de télévision sans que l’on puisse parler de technique envahissante, même si son principe méritait d’être interrogé.
Et finalement, le mot trottoir, qui est connoté péjorativement, comme participant à une opération de racolage, convient parfaitement à une opération dont l’objectif est surtout démagogique : on écoute le peuple, on lui donne la parole ( ?) mais au montage on fait le tri. Et ce qui est sauvegardé doit être en cohérence avec l’orientation de la chaîne ou du propos.
Dans le meilleur des cas ces interviews servent aussi de remplissage dans le cas d’une actualité pauvre en événements : dans ce cas on interroge sur, tout et n’importe quoi pourvu que l’interrogé soit pittoresque , jolie si c’est une dame, émouvante si c’est une personne âgée. En conclusion ce recours à cette technique ne contribue pas à l’éclairage du citoyen : au mieux elle rend l’événement bon enfant, au pire on peut parler d’entreprise démagogique.


Foin de gravitude ! L’été dans quelques jours. Et peut-être la levée de ce qui reste de contraintes hygiéniques, Et c’est au moment où je retrouvais comme une joie de vivre, une envie soudaine de batifoler que mon ami Marcel, qui est loin d’être un con, me rappelle à l’ordre : Pourquoi n’attends-tu pas le 18 juin pour rédiger ta chronique, au moins tu aurais quelque chose à dire ».
C’est vrai, j’y avais pensé. Mais que dire d’original sur une date, sur un homme qui aujourd’hui fait l’unanimité et que même la blonde y fait référence pour ne pas dire déférence.
Le temps a cette vertu de distanciation que peu parmi nous peuvent se vanter d’y résister, ou même les plus engagés à droite ou à gauche reconnaissent le rôle éminent du personnage, s’agissant de la résistance, du CNR ou du gouvernement provisoire du Général De Gaulle où se côtoyaient des communistes, des socialistes des chrétiens démocrates et des gaullistes, bien entendu. Qu’aurai-je pu dire de plus , au risque d’être accusé de récupération ?
Il est 17 heures. Temps magnifique ciel bleu avec ça et là quelques nuages joufflus pour animer l’ensemble. C’est le moment d’aller boire une sangria sur une terrasse de la Place aux herbes avec ma compagne, toujours aussi belle, et cette envie irrépressible d’être heureux.

MA

19 Prairial CCXXIX

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